LIEUX ABANDONNÉS
13 palais abandonnés aux quatre coins du monde
Des châteaux belges aux domaines britanniques, ces bâtisses décadentes même délabrées, continuent de nous fasciner.
Par Elizabeth Stamp
2 octobre 2023
Avant d’être laissés à l’abandon, d’imposants palais et manoirs répartis aux quatre coins du monde ont été construits pour être transmis de génération en génération. Mais en raison de guerres, de bouleversements économiques ou de catastrophes naturelles certaines de ces demeures luxueuses n’ont pas rempli leur mission . Dans son nouveau livre Abandoned Palaces (Amber Books Ltd), l’historien anglais Michael Kerrigan explore plus d’une centaine de ces structures autrefois spectaculaires, dont il ne reste aujourd’hui que les ruines. Pour Michael Kerrigan, les sites recensés sont tout aussi importants que les palais abandonnés mais parfaitement préservés. « Une demeure seigneuriale très bien conservée et administrée est une survivance fascinante et émouvante du passé dans le présent, mais elle n’a rien à nous dire sur la mortalité ou le temps qui passe. En réalité, au moins sur le plan émotionnel, elle va à l’encontre de tout ce que nous savons », explique-t-il. L’ouvrage quadrille les bâtisses du monde entier, des châteaux de Belgique aux propriétés russes, explorant leur beauté subjuguante et l’histoire propre à chacune. « L’essentiel, c’est la façon dont une belle ruine illustre les effets ravageurs du temps qui passe. Et à cet égard, au moins, un palais l’emporte sur un taudis ou une usine en ruine : plus ils sont colossaux et somptueux, plus ils tombent difficilement », poursuit l’auteur. Découvrez les ruines présentées dans le nouveau livre de Michael Kerrigan, ainsi que d’autres sites sélectionnés par AD.
13 palais abandonnés à la beauté spectaculaire aux quatre coins du monde
- © Dave Porter/Getty Images1/14Bowes Castle (County Durham, Angleterre)Bâti entre 1171 et 1187, Bowes Castle est un palais médiéval situé dans le nord-est de l’Angleterre. Ce château de pierre a été construit sur les terres d’un ancien fort romain par le roi Henri II, qui y voyait une place forte importante contre une invasion écossaise. La demeure a changé de mains à plusieurs reprises avant de revenir à la Couronne en 1471 et d’être partiellement démantelée au XVIIe siècle. Les ruines de l’ancien donjon, sur trois étages, subsistent aujourd’hui. Elles sont entourées de douves creusées des deux côtés et peuvent être visitées gratuitement pendant la journée.
- © Rafal Cichawa/Shutterstock2/14Sans Souci (Milot, Haïti)Ce palais a été construit à la demande du roi Henri Christophe, un ancien esclave qui a été élu président d’Haïti en 1807 avant de se proclamer roi en 1811. « Les palais impériaux, royaux et pontificaux du passé sont tous, bien sûr, des créations vaniteuses, vastes et prémonitoires mais leur place dans la grande histoire leur confère une certaine légitimité. Ce sont les œuvres des vieilles fortunes des époques révolues, souligne l’auteur. En compilant Abandoned Palaces, nous avons été davantage attirés par les ambitions téméraires des “nouveaux riches”. Leurs palais en ruine mettent en lumière les ironies et les ambiguïtés de manière encore plus frappante. L’ascension d’Henri Christophe, de la misère à l’opulence, mais aussi de l’esclavage au pouvoir tyrannique, en passant par une sorte de royauté, a été bien plus saisissante que celle d’un ploutocrate américain. Le Sans Souci nous sidère par sa grandeur. » Le palais a été abandonné après avoir été endommagé par un tremblement de terre en 1842.
- © Lev Levin/Shutterstock3/14Havré Castle (Mons, Belgique)Ce château médiéval a été attaqué à de nombreuses reprises en 1578 et a été restauré au XVIIe siècle. « Comme tant d’autres forteresses de ce type, à une époque plus moderne et apaisée (tout du moins à une époque à laquelle, en cas de guerre, les fortifications à l’ancienne n’allaient pas être d’un grand secours), il a été transformé en une structure plus proche du château, avec ornements extérieurs et intérieurs luxueux et confortables, indique Michael Kerrigan. C’est cette dernière incarnation que nous commémorons aujourd’hui dans l’ouvrage, par l’ironie (certes poignante) des ruines laissées. Ce n’est pas uniquement l’abandon de la bâtisse qui nous intéresse mais également les incongruités architecturales : le toit en tôle ondulée aurait sa place sur un entrepôt moderne (à droite) ; comme les murs en parpaings et les gouttières en acier (à gauche). »
- © Lalas Stock/Shutterstock4/14Pidhirtsi Palace (Pidhirtsi, Ukraine)Le Pidhirtsi Palace a été construit dans les années 1630 pour Stanislaw Koniecpolski, un commandant polonais. La demeure a été pillée et endommagée pendant la Première Guerre mondiale, puis est devenue un sanatorium jusqu’à ce qu’un incendie la ravage en 1956. « Le Pidhirtsi Palace m’intrigue particulièrement en tant que monument qui témoigne d’une histoire oubliée, ponctuée de guerres, de rivalités dynastiques, de révolutions et de luttes pour la liberté que nous avons perdues de vue, explique l’auteur. Je pense que, d’un point de vue occidental, le rideau de fer des années guerre froide n’a pas seulement bloqué notre vision de l’Europe de l’Est dans ce qui était alors son présent, mais a aussi, dans une large mesure, occulté nos perspectives sur le passé de la région. »
- © Matt Grant/Shutterstock5/14Maison abandonnée (Fanling, Nouveaux Territoires, Hong Kong)Ce manoir a été construit dans la ville de Fanling, proche de la frontière entre Hong Kong et la Chine, qui servait de base aux fonctionnaires des douanes et de l’administration. Michael Kerrigan note que la destination est devenue prisée des touristes passionnés par l’époque de l’impérialisme britannique. « J’ai des doutes quant à la nostalgie de l’empire qui est si forte en Grande-Bretagne, mais l’esprit impérial a marqué au fer rouge l’image que le pays avait de lui-même pendant très longtemps, déclare-t-il. De ce point de vue, il y a quelque chose de très symbolique dans cette construction à l’élégance européenne assiégée par une forêt tropicale luxuriante. C’est le “fardeau de l’homme blanc” résumé à merveille. La présence de la Grande-Bretagne à Hong Kong a bien sûr imposé une réalité historique importante sur les “indigènes”. De leur point de vue, elle offre un éventail de lectures très différentes. »
- © Waj/Shutterstock6/14Jahangir Mahal (Orchha, Tikamgarh, Madhya Pradesh, Inde)Ce magnifique complexe a été construit vers 1610 à l’occasion de la visite de l’empereur moghol Jahangir. « Il s’agit là d’un autre “vrai” palais dont le statut est ratifié par l’histoire, même si l’ère moghole semble aujourd’hui particulièrement lointaine, affirme l’auteur. L’histoire moghole ne risque normalement pas d’être effacée en Inde. Néanmoins, l’image du pays en tant qu’État moderne (et majoritairement dominé par les hindous) a conduit à la marginalisation des musulmans et de leur culture. Ainsi, l’assurance et le faste qui émanent de ce monument semblent soudain beaucoup plus problématiques, son prestige contesté et remis en cause d’une certaine manière. »
- © Irimaxim/Dreamstime7/14Duckett’s Grove (Carlow, Irlande)Cette construction datant de 1830 appartient à un domaine qui, fut un temps, s’étendait sur cinq comtés d’Irlande. Michael Kerrigan note que Duckett’s Grove illustre la richesse et le pouvoir de l’ascendance anglo-irlandaise, qui a laissé une empreinte majeure sur le paysage et l’architecture du comté. La dynastie des Duckett s’est éteinte au début des années 1900 et le bâtiment a été utilisé en 1921 comme base de l’unité locale de l’IRA.
- © Alexey Grachev/Shutterstock8/14Reinhardsbrunn Castle (Friedrichroda, Thuringe, Allemagne)Le duc Ernest Ier de Saxe-Cobourg-Gotha a transformé la structure, qui avait été auparavant une abbaye et un bâtiment administratif, en une retraite luxueuse dès 1827. La reine Victoria, qui a épousé le fils d’Ernest, le prince Albert, y a également fait escale. « Son père avait fait aménager son domaine avant son arrivée dans un style explicitement “anglais”, poursuit l’historien. J’ai l’impression que cet endroit nous plonge au cœur des relations extrêmement intimes et complexes (et souvent contre-intuitives) entre les chefs d’État d’Europe à cette époque. »
- © Vadim Fedotov/Shutterstock9/14Dacha Kvitko (Sochi, Krasnodar Krai, Russie)Installé au bord de la mer Noire, ce complexe a été bâti alors que Sochi était en passe de devenir une destination privilégiée de villégiature. L’esthétique de la ville a changé à l’époque soviétique, avec la construction d’hôtels semblables à des casernes. « Cette image a attiré mon attention parce qu’elle représente une Sochi différente, avec un ton différent, note Michael Kerrigan. L’esprit y est totalement autre, l’ambiance est à la fête. »
- © Jon Ingall/Shutterstock10/14Grand Hôtel de la Forêt (Vizzavona, Corse)La ville de Vizzavona a été créée pour loger les ingénieurs et les ouvriers qui construisaient un tunnel ferroviaire à proximité, puis a été transformée en lieu de villégiature après achèvement du projet. Cet hôtel a été construit en 1893 et était autrefois un établissement particulièrement prisé des voyageurs anglais. Selon Michael Kerrigan, la ville est un exemple de la façon dont des lieux prospères peuvent subitement être délaissés. « Durant de nombreuses années, le coin était perdu au beau milieu de nulle part mais quand un chemin de fer a été construit dans cette contrée de Corse, un village s’est développé pour accueillir les ingénieurs et les ouvriers, poursuit-il. Puis, se retrouvant avec un nouveau village au cœur de la forêt, ils ont pensé qu’ils pouvaient le faire fructifier en y établissant un centre touristique avec un hôtel somptueux. Ils ont connu un succès triomphal. Pourtant, des générations plus tard, cette entreprise a décliné, jusqu’à se retrouver à nouveau au milieu de nulle part. »
- © Chris Gorman/Getty Images11/14Hamilton Palace (East Sussex, Angleterre)Bien que Hamilton Palace eût pu être digne de la famille royale en 1785, la construction de ce domaine néoclassique a débuté en 1985. L’imposante propriété située dans la ville d’Uckfield, dans le Sussex de l’Est, a été conçue par l’architecte Anthony Browne à la demande de l’homme d’affaires britannique Nicholas van Hoogstraten. Ce dernier aurait dépensé près de 40 millions de livres sterling pour le palais jusqu’en 2006. La propriété, encore plus vaste que Buckingham Palace, devait servir de vitrine à la collection d’œuvres d’art de Nicholas van Hoogstraten et comprenait également un mausolée recouvert d’or. À la suite d’un désaccord entre l’architecte et son client, ainsi qu’une série de problèmes juridiques visant l’homme d’affaires, le projet a été abandonné, ce qui lui a valu le surnom de « Maison fantôme du Sussex » de la part des habitants de la région.
- © Eric Lafforgue/Art in all of us/Getty Images12/14Ali Pacha Jumblatt Palace (Baadarâne, Liban)Aussi connu sous le nom de Serai de Baadarâne, le Palais d’Ali Pacha Jumblatt est situé dans la région historique du Chouf au Liban. Le palais a été construit au XVIIIe siècle par le chef de tribu kurde et gouverneur d’Alep, Ali Pacha Jumblatt (ou en kurde, Ali Janbulad). Ce palais de l’époque ottomane est aujourd’hui partiellement délabré, mais les visiteurs peuvent se promener à travers le parc et admirer l’architecture.
- © Christian Balate/Shutterstock13/14Ascenseur d’eau de la Gordejuela (Los Realejos, Ténérife, îles Canaries, Espagne)« Ce bâtiment est tellement fou qu’il devait à tout prix figurer dans les pages de Abandoned Palaces », affirme l’auteur. Il s’agit d’un ascenseur à eau, qui pompait l’eau douce des sources de Gordejuela vers un réservoir à flanc de colline, où elle était ensuite distribuée aux bananeraies de l’île. « Ce qui m’a le plus séduit dans cette construction extraordinaire, c’est que c’est le fruit d’un esprit créatif et rigolard, là où quelque chose de tout à fait fonctionnel aurait pu faire l’affaire », continue l’expert. L’ascenseur à eau a ouvert ses portes en 1904 et a fermé quinze ans plus tard lorsque les produits locaux ont été supplantés par les fruits des Caraïbes.
- Avec l’autorisation de Amber Books14/14Abandoned Palaces, Michael Kerrigan, Amber Books Ltd., 224 p. (en anglais), 30 €.Article initialement publié sur AD US.