https://www.facebook.com/permalink.php?story_fbid=371490488127375&id=105267591416334
Même si son esprit est louable, la Loi Climat & Résilience fait grincer des dents. Pour Yann Jéhanno, président de Laforêt France, rénover 5 millions de logements considérés comme des « passoires thermiques » d’ici 2034 est peine perdue. Le calendrier des échéances comme le financement de cette rénovation énergétique lui posent question.
JDA : La Loi Climat & Résilience sur la rénovation énergétique interdira de louer des « passoires thermiques » à partir de 2025. Cette échéance est-elle à notre portée ?
Yann Jehanno : Cette Loi est frappée au coin du bon sens, surtout dans une période où l’inflation sur l’énergie galope. Des efforts doivent en effet être fait par les propriétaires pour rénover leurs logements et ainsi mieux répondre aux enjeux climatiques. Pour autant, le calendrier de cette Loi est irréaliste. À horizon 2034, nous devons donc rénover 5 millions de logements qui sont aujourd’hui étiquetés E, F et G selon le nouveau DPE. Cela signifie que depuis le 1er janvier dernier, le rythme à tenir est de rénover 1000 logements chaque jour, et ce jusqu’en 2034. Ce n’est pas tenable. D’autant que le secteur est confronté à plusieurs difficultés : une hausse des prix des matériaux, qui se répercute forcément sur le montant des devis pour les propriétaires de logements, ainsi que des difficultés d’approvisionnement.
JDA : Selon vous, quel serait le « bon » calendrier ?
YJ : Pour atteindre cet objectif de rénover 2 millions de logements des classes F et G d’ici 2028 et 5 millions de classe d’ici 2034 de la classe E, je pense qu’il faudrait une dizaine d’années de plus ! D’autant que cet objectif intervient dans un contexte d’incertitudes, durant lequel le secteur immobilier a été chahuté par la crise sociale des Gilets Jaunes puis la crise sanitaire. On entend souvent que les échéances politiques ne sont pas compatibles avec les échéances de l’immobilier. Ce qui est sûr, c’est qu’on ne peut pas envisager des projets aussi importants sur un mandat de cinq ans. La ville de Bordeaux, dont les prix immobiliers ont explosé, en est la parfaite illustration : il lui a fallu une quinzaine d’années pour achever sa rénovation urbaine, faire venir une ligne à grande vitesse…
JDA : Quid du financement de cette rénovation énergétique ?
YJ : Le financement pose également question. Les experts évaluent le coût d’une rénovation énergétique entre 15 000 et 40 000 euros, selon le niveau de performance visé. Car, pour changer de catégorie – et c’est bien là l’objectif – isoler ses fenêtres ou changer de chaudière sera loin d’être suffisant. L’aide « MaPrimeRénov », qui a été lancée par le gouvernement en janvier 2020, ne pourra, à elle seule, financier la rénovation globale du parc immobilier. Le risque, c’est donc que les bailleurs désinvestissent le marché locatif classique pour, par exemple, s’orienter vers celui des meublés touristiques qui est curieusement exempté de cette obligation de rénover ! Se posera alors la question de loger les Français, le parc locatif privé constituant un quart des résidences principales en France.
JDA : Quelles solutions entrevoyez-vous ?
YJ : Je suis persuadé que nous pouvons attirer des investisseurs en leur proposant des avantages fiscaux. Le doublement du plafond du déficit foncier imputable aux bailleurs pour les travaux d’économie d’énergie aurait incité les propriétaires à rénover leurs biens. Malheureusement, cette mesure n’a pas été retenue. Il a été préféré d’empiler plusieurs dispositifs : Loc’Avantages, Denormandie… Je regrette par ailleurs que ce dernier dispositif n’ait pas été prolongé jusqu’en 2034 pour accompagner les objectifs de rénovation énergétique et qu’il n’ait pas été étendu à l’ensemble du territoire. Car aujourd’hui, seules 250 villes y sont éligibles. In fine, avec cette approche, nous risquons donc d’assécher le parc du marché locatif, dans un contexte où l’encadrement des loyers l’a déjà fragilisé.
JDA : Qu’attendez-vous des prochaines élections présidentielles ?
YJ : Je regrette que la question du logement soit absente des débats présidentiels. À moins de 50 jours du premier tour, on parle d’immigration, de la crise en Ukraine, qui sont des sujets importants. Mais on ne parle ni du droit des Français d’accéder à un logement décent ni de notre rythme de construction. Pourtant, travailler l’aménagement du territoire pourrait répondre à de nombreux besoins. Aujourd’hui, seules les grandes métropoles concentrent les emplois ainsi que les infrastructures sportives et culturelles. Nous devons investir davantage les zones péri-urbaines, revenir y habiter. Cela suppose toutefois de rendre ces zones plus accessibles, notamment via les transports en commun, mais aussi d’y relocaliser des entreprises qui proposent de l’emploi.